Logis

« Logis » est une installation de 9m², la surface minimale requise en France pour qu’un espace soit légalement considéré comme une pièce habitable. Cette reconsti-tution d’une chambre, profondément personnifiée, suggère une présence humai-ne bien que personne n’y vive réellement. Entièrement cloisonné et dépourvu d’accès, cet espace n’est observable que depuis une perspective surplombante.

Un contraste saisissant s’établit entre l’installation et son environnement architectural. Alors que Créagora (bâtiment dans lequel prends place l’installation) incarne l’architecture contemporaine avec ses lignes épurées, sa décoration mini-maliste et ses vastes surfaces vitrées ouvertes sur l’extérieur, «Logis » propose une intimité dense et inaccessible. Ce bâtiment, conçu pour le monde profession-nel, ne partage avec l’habitat traditionnel que sa qualité d’espace clos.

Qu’est-ce qui transforme un simple espace en lieu habitable ? L’être humain cherche instinctivement à s’abriter, à créer un
« chez-soi ». Comme l’exprime le philosophe Martin Heidegger : « Habiter, être mis en sûreté, veut dire : rester enclos dans ce qui nous est parent, c’est-à-dire dans ce qui est libre et qui ménage toute chose dans son être ». Cette conception de l’habiter dépasse la simple occupation physique ou fonctionnelle. Pour Heidegger, habiter engage une relation existentielle à l’espace, où l’être humain trouve sa place dans un rapport harmonieux avec ce qui l’entoure. Il s’agit moins de façonner l’espace à son image que d’établir une relation de soin et de préservation avec le lieu.

Cette installation interroge la notion même d’espace domestique et de « chez-soi ». Au-delà de la simple protection d’un toit, qu’est-ce qui confère à un lieu la faculté de devenir un véritable logement, un espace intime, un espace véritablement habité ?

crédit photos : Justine Pillon